LA CONDAMNATION D'YVAN COLONNA

Je ne sais pas si Yvan Colonna est innocent ou coupable de l'assassinat dont on l’accuse.


On me répondra: “Si tu ne sais pas, pourquoi en parles-tu?”


C’est vrai! Je n’ai guère suivi le procès, qu’au travers des quelques dépêches lues ici ou là. Comme tout le monde cependant, j’attendais le verdict. Il est tombé, hier. Mitigé si l’on peut dire, car la réclusion à perpétuité, ce n’est pas rien. Et les jurés ont voté en leur âme et conscience.


Ce que je ne comprends pas, c’est qu’ils n’aient pas suivi le ministère public dans leur verdict. S’il est coupable, il fallait assortir la peine de cette période de sûreté. S’il est innocent, il fallait l’acquitter.


Cette sentence ambiguë laisse place au doute quant aux certitudes des jurés. En aucun cas je ne leur jetterai la pierre, car je sais le traumatisme que laisse une session d’assises, non pas que j’en fus, mais pour en avoir eu connaissance par une femme qui participa à l’un de ces procès en tant que jurée. Plusieurs mois après elle m’en parlait avec la même crainte de s’être trompée, de n’avoir pas su discerner avec exactitude le vrai du faux, et d’avoir vécu toutes les narrations d’une lugubre histoire. “C’est épouvantable, me disait-elle, car en plus d’être coupée des miens (elle n’habitait pas la ville du procès) il fallait chaque jour me plonger dans des horreurs, écouter les avocats dont on se dit, il a raison, qu’il soit de l’accusation ou de la défense, tant ils savent convaincre. A la fin on ne sait plus et il faut pourtant prendre une décision.”


Yvan Colonna est-il coupable? Pour ses avocats, non. Pour la partie civile, oui.


Et pour lui? Quand j’entends un homme crier son innocence, j’ai tendance à le croire, quand bien même suis-je en total désaccord avec ses théories nationalistes. Ils disent tous ça me rétorquera-t-on, parce qu’ils ont peur de la sentence.


Non, ils ne disent pas tous ça. Certains nient avec plus ou moins d’habileté. D’autres baissent la tête. Tel autre avouera enfin. Un dernier ne dira rien, mais les preuves seront si évidentes qu’il subira le sort qu’il mérite. Et quelques uns clament solennellement leur innocence. Ce fut le cas d’Yvan Colonna, nul ne l’a cru, du moins a-t-on quand même eu un doute.


Et le doute doit toujours profiter à l’accusé.


NOTA: Je m'aperçois que j'ai commis une erreur monumentale: il ne s'agissait pas d'un procès d'assises ordinaire, mais spécial en affaires de terrorisme, par conséquent d'une cour formée, non pas d'un jury populaire, mais de sept magistrats, en principe sans état d'âme. Le doute exprimé par ces professionnels me laisse d'autant plus pantois.

J'apprends par ailleurs que le Parquet vient de former "un appel incident", ce qui prouve leur acharnement et leur désir de condamnation. En effet ce type d'appel ne laisse que deux possibilités désormais: la perpétuité assortie de 22 ans de sûreté ou l'acquittement.

En ce qui concerne ma description de cette femme jurée, je la laisse dans ma note car elle exprime parfaitement qu'un jury populaire est préférable à un jury spécial, tant il est vrai que des hommes et des femmes loin de toutes considérations dogmatiques de pressions politiques ou hiérarchiques, chacun ayant sa conviction, peuvent décider en conscience et non en fonction de craintes ou de mesures de rétorsion.

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