CAMPAGNE POUR L'AVORTEMENT

Le Conseil régional d'Ile-de France vient de financer une campagne d'affichage et d'information, dont les couloirs du métro s'embellissent et que certains hurlant comme des hyènes, aveugles qu'ils sont, dénoncent en tant que publicité pour l'avortement.

300.000 euros pour inciter au meurtre? C'est trop, c'est ignoble. Qui paye?

300.000 euros pour informer? C'est pas assez, c'est une goutte d'eau, c'est peu pour aider celles qui souffrent.

Ce qu'ils veulent délibérément passer sous silence, c'est que cette campagne d'affichage ne concerne pas uniquement l'avortement, mais aussi la contraception et la sexualité.

Que lit-on sur l'affiche? sexualité, puis contraception et enfin avortement.

Sous ces trois termes mis dans cet ordre, l'un en dessous de l'autre, trois autres mots tout aussi essentiels: un droit, mon choix, notre liberté.

Alors que tous les "pères la pudeur" relisent de façon sereine et objective ces mots, que tous les obsédés de la fécondation regardent avec attention les photos, que les bonnes âmes qui se disent choquées fassent un peu plus parler leur intellect et non leur pudibonderie, et ils comprendront que peu de personnes vivent dans des couvents et que la sexualité, cet instinct naturel, ce désir d'aimer, cette jouissance du corps et de l'esprit est d'abord un droit inhérent à tout homme et à toute femme, et qu'eux-mêmes s'ils sont là à brandir leurs panneaux fanatiques, c'est parce que, un jour ou une nuit, une femme et un homme attirés mutuellement, déchirés de désir et de plaisir charnel, comme eux-mêmes doivent par moment le ressentir, se sont accouplés, non pas pour les créer, mais d'abord pour s'aimer.

Seuls les animaux s'accouplent pour procréer, afin qu'uniquement se perpétue l'espèce. L'Homme est d'une autre nature, et au même titre qu'on peut prendre plaisir à manger, à déguster un grand vin, à fumer une cigarette, à lire un roman, à réciter des vers, à collectionner des tableaux ou simplement les admirer, à voyager, à s'habiller et que sais-je encore qui fait la joie de l'existence, faire l'amour, s'aimer, s'unir entre homme et femme, entre homme ou entre femme, au même titre que ce que je viens d'énoncer participe du bonheur de la vie.

C'est donc un droit que tout un chacun, à moins qu'il ne fût moine ou abbesse, peut légitimement revendiquer au nom de la liberté de son corps.

Et ce droit aujourd'hui a le privilège de pouvoir faire abstraction des conséquences inévitables qu'une telle liberté entraîne, c'est à dire la procréation non désirée ou l'atteinte dans sa chair de maladies sexuellement transmissibles, grâce aux moyens de contraception et de protection que la science nous offre.

Mais la science en ce domaine ne peut pas tout, et il existe parfois ce qu'on appelait autrefois pudiquement des accidents, c'est à dire des fécondations non souhaitées suscitant les drames que nous avons tous en mémoire, depuis les "tricoteuses", ces femmes admirables comprenant la douleur de leurs soeurs, mais que l'on condamnaient à mort au nom de l'irrespect de la vie, jusqu'à ces jeunes femmes se mutilant ou mourant en provoquant elles-mêmes, il n'y a pas si longtemps encore, un avortement, et certainement pas de gaieté de coeur, mais pour des raisons qui n'appartenaient qu'à elles, et elles seules.

Ces raisons que la société n'a pas à juger, et encore moins un homme ce sinistre pourvoyeur du drame dont il se lave les mains, ce Pilate aux slogans irresponsables, ce fantoche profiteur et dédaigneux de sa compagne, ces raisons dis-je, et je n'ai nul besoin de les expliciter, demeurent.

C'est pourquoi le législateur, faisant enfin preuve de bon sens et de sagesse, a souhaité que la femme non désireuse d'enfanter pût légalement et sans danger pour sa vie, avorter grâce au concours de la médecine.

Cette médecine, dont un grand nombre de ses membres, hommes pour beaucoup, au nom de la clause de conscience, refuse ou retarde par des moyens indignes de venir en aide à ces femmes en détresse, les obligeant à partir vers d'autres lieux pour obtenir ce à quoi elles aspirent.

Si dans le serment d'Hipocrate le médecin jure qu'il ne donnera pas à une femme un pessaire abortif, il jure aussi qu'il dirigera le régime des malades à leur avantage, c'est à dire qu'il fera tout, selon ses forces et son jugement, pour soigner leur souffrance.

Or ces femmes sont en souffrance, elles seules peuvent connaître cette souffrance et il est intolérable, qu'en raison de leur prétendue conscience, certains médecins n'acceptent pas d'apaiser cette douleur. On m'opposera sans doute ce serment, mais il y est dit aussi que celui qui y prête doit subvenir aux besoins de son maître de médecine. Toutes ces fariboles ne sont-elles pas quelque peu dépassées?

Si cette campagne d'information pour la sexualité, la protection et l'avortement vous semble, moralisateurs rétrogrades, une incitation à la débauche et au non-respect de la vie, il me semble au contraire indispensable et nécessaire, trente ans après la loi de Simone Veil, de plus en plus bafouée, que cette loi soit enfin appliquée avec respect et dignité, pour précisément une vie sereine.

Au reste, y a-t-il besoin d'une loi pour qu'une femme soit libre de son corps?

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