Tintin piège les barbouzes.

Je n'éprouve aucune sympathie particulière pour Besancenot, ce nouveau Tintin, si ce n'est qu'il a un peu l'allure du héros, sans son caniche, qu'il est clair dans ce qu'il dit, qu'il a réponse à tout et qu'il ne s'émeut de rien. Son programme est une hérésie comique, tant qu'il n'est pas appliqué. Mis à part son faux pas dans sa défense vis à vis de Rouillan, qui n'a pas fini de purger sa peine, malgré qu'il en ait, je n'avais rien à dire sur lui et m'en suis toujours tenu à ce principe. Je ne sais même pas si je me serais exprimé lors du procès qu'il va devoir affronter prochainement, tant je suis quasi certain qu'il le gagnera, son accusateur ne reculant devant aucun sacrifice, en bon représentant de commerce, pour mettre en avant sa petite machine portative, stylée comme un jouet RoboCop, anodine mais à décharges électriques, qu'il espère fourguer à tout le monde. Type de pistolet qui n'est pas à eau et qui a fait au moins un mort de façon indirecte aux Etats-Unis, filmé dans l'instant: un flic balançant une décharge sur un nudiste excité perché à trois mètres et qui, sous la tétanie provoquée par l'engin, bascula dans le vide pour se fracasser le crâne à terre.
Mais lorsque j'apprends que le même individu, pourvoyeur d'impulsions, a été mis en garde-à-vue pour le rôle qu'il aurait peut-être joué -rien n'est prouvé bien sûr, et tant qu'il ne sera jugé, accordons-lui la présomption d'innocence, puisque ce soir il nie toujours avoir participé à ce jeu de piste- dans l'espionnage de la vie privée du jeune révolutionnaire, tel un Cheyenne outré je sors de ma réserve.
Il n'est pas concevable, admissible, tolérable, et pour quelque motif que ce soit, commercial, militaire, politique, ou autre fantaisie familiale de pénétrer la vie de quelqu'un au motif de connaître la fissure dans laquelle on s'insinuera afin de mieux le compromettre, le faire chanter ou le faire taire. Nous avons des lois, et sans décision de justice pour motifs précis, nul ne peut y déroger. La vie privée est sacrée, inaliénable.
Pour qui donc se prennent ces barbouzes méprisables, ces policiers véreux, ces détectives de village, ces Sherlock de pacotille, forts de leurs relations, de leur petit pouvoir ou de leur schizophrénie pour mettre en place un système de surveillance, noter, disséquer, filer, épier celui ou celle sur la tête de qui ils ont posé leur sinistre regard? De quelle société paranoïaque rêvent-ils? De quelle civilisation du doute veulent-ils devenir les apôtres? De quelle mission se croient-ils investis? De combien leur compte en banque fut-il provisionné? Car c'est peut-être là aussi que se situe le noeud gordien des exactions, des dérives. Ce crottin du Diable, comme le nommait François d'Assise, cet argent pour lequel tant d'âmes sont prêtes à se damner. Pas Besancenot, et c'est là son mérite. Il porte en lui une autre foi, hérétique à mes yeux peut-être, sous certains aspects, mais en tout cas plus respectable que celle de ces taupes ravageant la démocratie et nos libertés.
Pour en revenir à notre marchand de Taser, ce petit maître gonin, de quelle génération d'auto-défense veut-il être le géniteur, vantant les mérites de son godemichet éjaculatoire auprès de qui veut l'entendre? Car au-delà de cet épisode digne d'une aventure tintinesque, les remous provoqués participent de la publicité qu'il recherche à n'importe quel prix, donnant de sa personne en fréquentant responsables et dirigeants de la finance, de la politique, du pouvoir, pour leur vendre, et y parvenir, son jouet à piles, participant à de prétendues conférences, posant avec stars et célébrités féminines pour promouvoir un Taser édulcoré, le Stoper C2, libre à la vente, c'est à dire sans autorisation de port d'arme, pour se défendre.
Se défendre contre qui, contre quoi? Vivons-nous une époque plus sordide et dangereuse que celles que nos ancêtres ont connues, du Moyen-Âge au dix-septième où les gueux jouaient de la rapière à tout bout de chemin, volant et trucidant, de jour comme de nuit, dans les rues sombres des villes ou la traversée d'une forêt?
De ce credo de la peur, susurré en continu, colporté à tout va par les thuriféraires de l'angoisse, ne pouvait qu'émerger ces vautours mercantiles, plus nuisibles encore que l'ennemi imaginaire qu'ils s'acharnent à dépeindre, pour que frissonnent la nuit venue quelques cloportes terrés en leur demeure.
Dormez braves gens, je ne veille pas, mais je vous mets au courant!

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