Mesquinerie élyséenne.

On retient des grands de ce monde, en dehors de leurs noms qui s'inscrivent au fronton de la mémoire de l'humanité, les gestes et les actes dont ils surent parsemer leur règne, pour le bienfait de ceux qu'ils dominaient, ou leur malheur, comme on se souvient des pétales de rose jetés sur le chemin à parcourir, ou des raides épines semées au gré de l'humeur, sur lesquels un peuple vient à danser ou boiter. La noblesse est affaire d'âme, et si dans l'esprit des Hommes surnagent quelques hiérarques que la ferveur populaire érigea en culte, tels Charlemagne ou Louis IX, il en est d'autres dont la noirceur exacerbe la haine. Tibère, dont Suétone rapporte qu'il aimait à dire "oderint, dum probent", qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils m'approuvent, sut faire prospérer son empire, en raison de sa parcimonie; mais qui s'en souvient? Ses vices masquent ses rares vertus et rejeté par son peuple on ne sait guère autre chose de lui que cette image d'un dictateur hypocrite, suspicieux et cruel. Ainsi sont les hommes dont la mémoire collective ne retient que ceux d'entre eux qu'ils érigent en symbole de grandeur ou de bassesse.
De quoi seront faits les chapitres de celui qui nous gouverne? Il est encore trop tôt sans doute pour le dire, mais à trop prendre de décisions qui heurtent les esprits, à trop imposer ses seuls choix sans chercher l'aval de ceux qui en subissent les conséquences, à trop vouloir faire savoir que le maître des lieux peut tout, à trop vouloir dédaigner ceux qui le contredisent, à trop vouloir s'arroger le droit de marquer du sceau de la scélératesse ceux qui se sont opposés à son accession élyséenne, à trop faire preuve de rancune, Nicolas Sarkozy n'œuvre pas pour enjoliver les pages qui parleront de lui, plus tard.
La lutte intestine qui l'oppose à Dominique de Villepin, le grand perdant de cette guerre de succession, se colore d'insignifiance eu égard aux responsabilités qu'occupèrent ou qu'occupent ces deux hommes. L'ancien premier ministre, alors que l'un des deux juges traitant l'affaire dont on le présume innocent devait être dessaisi pour cause de mutation, est poursuivi en correctionnel suite à la décision de ces deux juges dont la dite mutation de l'un fut retardée de quelques jours par volonté présidentielle. L'ordre des choses n'en eût peut-être pas été bouleversée -peut-on savoir?- mais cela prouve, s'il en était besoin, cette ténacité à faire payer ce que Nicolas Sarkozy doit estimer impardonnable. La grandeur d'un vainqueur se reconnaît à sa générosité. Cette générosité qu'il ne veut accorder à celui qui fut son rival en le privant encore du grade de Grand officier de la légion d'honneur, par un décret qu'il signa pour l'accorder aux anciens premiers ministres à condition qu'ils le fussent au moins deux ans. Ce à quoi ne peut prétendre de Villepin, à quinze jours près! Est-ce le temps qui compte, ou la fonction?
C'est petit, mesquin, médiocre et indigne d'un prétendant à inscrire son nom dans les chapitres des livres d'histoire.
Plutarque, dans son ouvrage "de l'éducation des enfants" rappelait ce propos de Démocrite: "la parole est l'ombre de l'acte". Ecoutons attentivement ce que nous disent ceux qui nous gouvernent, ou plus précisément ceux qui voudront gouverner demain. Aujourd'hui il est trop tard.

Commentaires