Vivre à petit feu.

Vous avouerai-je que je ne sais trop par où commencer ce billet tant les nouvelles ressemblent à la météo d'aujourd'hui, maussades. Une envie de partir vivre en ermite me prend soudain, loin de ce monde délétère qu'on nous annonce, créer une espèce de royaume autarcique, une communauté, une confrérie, une société d'où seraient absents tous ceux qui s'ingénient à nous gâcher les quelques années que nous passons à piétiner l'herbe folle pour y tracer un semblant de chemin. Voguer vers une île que n'atteindrait pas la peur distillée dans nos esprits passoires; créer une enceinte, bâtir un mur, faire un ghetto de ma thébaïde où jusqu'à ces dernières années s'enfuyaient les jours sans aucune préoccupation de ce qui serait bon ou néfaste pour ma précieuse petite santé qui semble intéresser au plus haut point écologistes, cancérologues, politologues et autres astrologues ou prêcheurs. J'ai failli écrire Cassandre, mais ses prédictions, malgré la croyance populaire, se réalisant à terme, je m'en suis gardé.
Je vous remercie tous, partisans de l'asepsie, de la régulation, de l'arasement, géomètres de l'uniformité, prosélytes de l'ennui, chantres du nivellement, batifoleurs de l'os, du pépin, de la tuile qui vous tombe un jour du toit de la vie, je vous suis infiniment grée de vous tourmenter pour mon incomparable santé, de vous angoisser pour mon bien-être, de vous turlupiner pour mon improbable avenir, mais permettez-moi de vous dire que je m'en moque autant qu'un dinosaure pouvait s'inquiéter d'une éventuelle météorite ou d'un refroidissement planétaire.
Aujourd'hui je vis et cela seul suffit à mon souci. Alors que venez-vous nous effrayer avec vos cancers potentiels si l'on boit un verre de vin, si l'on fume une cigarette, si l'on mange 500 gr. de viande mais pas assez de légumes, de fruits. Qu'est-ce donc toutes ces recommandations, ces faites ceci, ne faites pas cela, gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche, tous ces conseils assénés comme des impératifs, des directives, des obligations, ces jérémiades de pusillanime, ces mises en garde de poltron, ces exhortations de couard, qu'est-ce donc sinon de beaux prétextes pour bafouer un peu plus nos espaces de liberté?
Alors voilà, devant le syndrome de l'obésité qui se développe, des prisons, des interdictions, des menaces, des peurs, j'ai envie de crier laissez-nous vivre un peu, comme nous l'entendons, comme nous le désirons. Et si nous devons mourir, comme c'est probable, au moins que ce soit avec le sentiment d'avoir existé, vraiment, et non d'avoir végété comme des bonsaïs, d'avoir cuit à petit feu dans la marmite de vos effarouchements.

Commentaires

Unknown a dit…
Comme d'habitude : que dire de plus ?
... On pourrait citer Christophe Alévêque : "Surtout, n'oubliez pas d'avoir peur !".
TRES AMICALEMENT.Michel Baudry.
Anonyme a dit…
Bonjour Patrick,

Presque rien à ajouter si ce n'est que "la peur n'évite pas le danger", alors que ceux, encore d'autres moralisateurs qui souhaitent "les laisser vivre", se mettent d'accord avec ceux que vous citez, pour après, "nous ficher la paix".

De là à ne pas se soucier de ce qui se passe ici ou là, dans l'action citoyenne, c'est un pas que je ne franchis pas.

amicalement

Pierre Gaugain

Nb: je suis pour votre "royaume autarcique", bien que je préfèrerai nettement une "république" du même nom.
Patrick Pike a dit…
Certes la peur n'évitera jamais le danger, mais de là à ne vivre que sous la domination de la crainte, je le refuse.
Royaume Pierre, dans le sens d'un paradis et non celui d'un état dirigé par un roi.
Anonyme a dit…
La peur du lendemain, qu'on nous distille insidieusement, à petites doses, pour que "ça passe"... cette peur qui paralyse, et qui, en même temps, nous infantilise. Fallait y penser, Patrick. Avouez, c'est fin, très fin... J'adore :-)))
Des bisous marsiens ♥
http://www.youtube.com/watch?v=bRCPLJDzCzU&feature=related
Anonyme a dit…
Bonjour ma marsienne,
Je l'avais totalement oubliée cette chanson de Dutronc.
Toujours, et plus que jamais d'actualité.
Bises à vous Mistou, et vivez comme bon vous semble.