Coronavirus, une sacrée peste

Saint Roch faisant l'aumône aux malades de la peste - Carrache - 1594 - Dresde - Gemäldegalerie, Alte Meister

     Leur mère les a emmenés à Bali pour les vacances de février. Destination mieux adaptée pour une lune de miel que pour un séjour touristique en cette période virale. Bien que les photos que j’ai pu voir montrent là-bas l’absence totale de l’épouvante qui prévaut ici alimentée par les infos continues. L’album pourrait s’intituler « zénitude à Bali » tant les esprits paraissent méditer plus que s’émouvoir. Le voyage de retour cependant impose une escale à Singapour, en pleine épidémie ravageuse. Conséquence imprévue pour mes petits enfants, dès leur avion posé, l’école, le collège et le lycée leur seront interdits pendant quatorze jours. Astreints à un suivi médical. Défense de rencontrer copains et copines. Cours par correspondance ou par internet. Ils appellent cela une quarantaine. Très symbolique me semble-t-il puisque l'interdiction touche essentiellement la scolarité, les sorties du domicile étant autorisées en cas de nécessité. Nous sommes loin tout de même de la ville fermée, isolée comme celles de Chine et bientôt d’Italie ou celle imaginée par Camus à cause de la peste, titre de son roman, Oran où il situa l’action. Un mot à propos de l’histoire qui n’est qu’un prétexte, une métaphore pour lutter contre tout despotisme, je ne peux la lire sans songer que son intrigue est illogique et les péripéties superfétatoires tant un banal antibiotique de type cycline permettrait de ne pas aller au-delà du premier chapitre, la maladie se traitant sans aucune difficulté puisqu’elle n'est pas due à un virus mais à un bacille. En 1947, année de parution du bouquin, la peste brune, encore présente dans les mémoires, n'en finissait pas d’inquiéter. S’il avait choisi « La Grippe » pour titre cela n'aurait pas fait sérieux malgré les cinquante millions de morts que l’épidémie provoqua en 1918. Prendre quelqu’un en grippe n’a pas la même connotation que le fuir comme la peste, le sujet, alors, n’aurait plus eu de raison d’être. Comme quoi un chef-d’œuvre peut se bâtir en développant des erreurs scientifiques mais également sur la peur qu’engendre un simple mot. D'ailleurs rien ne change, de nos jours encore on agit vis à vis des contaminés du coronavirus (qui n’a pas la forme d’un cigare comme son nom tendrait à le faire croire aux fumeurs ou d’une bouteille de bière aux buveurs, mais d’une couronne) avec les mêmes ostracismes que vis à vis des pestiférés de jadis. 
      Bref, les mentalités n’évoluent pas. 
     En revanche il est des situations très explicites prouvant que les failles sont inéluctables. Commandant de bord, Olivier, mon fils, effectue bientôt un vol vers Bologne. En plein cœur de l’Italie. Une nuit d’hôtel prévue. Rien d’autre. Retour le lendemain comme si de rien n’était avec un avion plein comme un œuf. Pas de quarantaine. Pas de contrôles. Plaisantant, il a promis à sa mère de fermer à clef la porte du poste de pilotage. Quelle serait d’ailleurs la solution ? Supprimer tous les vols, tous les déplacements vers l’ailleurs ? Mettre les uns après les autres les habitants de la planète en vacances forcées ou, mieux, en quarantaine ? Qui contrôlerait à terme le respect strict de l’interdiction ? Bateaux, trains, voitures, vélos, trottinettes seraient remisés en attente de jours meilleurs. Chacun se repliant sur soi. L’économie en berne. La pénurie pour avenir. Les murs s’érigeant au rythme des morts. La punition divine pour les crédules.
     Les fascistes, dont la feinte naïveté masque les relents de leur pensée, qui réclament la fermeture des frontières me font doucement sourire. Parce que, qu’ils le veuillent ou non, toutes choses étant égales par ailleurs, ce n’est pas une murette autour de leur petite demeure, des barbelés ou des soldats en scaphandres, qui arrêtera quoi que ce soit. Les frontières sont virtuelles. Aussi devraient-il cesser de postillonner, ils contaminent inutilement leurs semblables du ridicule qui les font gesticuler. Il n’est que de constater la propagation de toutes les épidémies qui sévissent ponctuellement, qu’elles soient virales, intellectuelles ou sociales, malgré les mesures que l’on peut prendre. Le virus, mille fois plus petit et sournois qu’une bactérie, se faufile partout. Sur les poignées de porte ou à travers les fibres des masques avec la même célérité néfaste qu’une ineptie de Trump ou un krach boursier. Il y en a même qui pénètrent les cerveaux et les font divaguer. Et ce qu’il y a d’essentiellement différent avec la lutte contre la contamination due à une bactérie, c'est qu’il n’y a aucun remède, hormis la patience, contre celle d’un virus. Que la contagion soit biologique ou morale. Un vaccin, sans doute, allié des défenses immunitaires peut en atténuer les méfaits, malheureusement le seul qui existe contre la sottise nécessite des doses éducatives qui ne font pas l’unanimité.

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