Mal masqué à l'Ehpad

Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochius - J-L David - 1774 - ENSBA

     Après avoir imposé bien inutilement le port du masque pour une apparence de bal masqué des non-vaccinés contre la grippe, la direction de l’établissement où je me rends quasiment chaque vendredi vient d’en interdire l’accès aux visiteurs pour cause d’épidémie au coronavirus. Ces mesures, sans doute nécessaires afin d'éviter aux personnes âgées une contamination apportée de l’extérieur, sont en contradiction avec une partie non négligeable du personnel désigné à la vindicte par le port d’un masque non adapté que je suggérais en préambule ne pas servir à grand-chose. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord le virus étant infiniment petit (de l'ordre de 10 à 400 nm) passe au travers les mailles. Ensuite, mal positionné qu’il est, manipulé intempestivement ou glissé sous le menton, il devient illusoire pour la personne en face de celui ou celle qui le porte. La seule protection contre la grippe et sa dissémination étant le vaccin. Controversé par ces irréductibles avec qui je bavardais, l'une d'entre elle m’affirma qu'elle croyait plus en ses défenses immunitaires pour tuer le virus, et une autre, plus catégorique, qu'elle était contre les vaccins. J'ai bien senti, dans la façon qu'elles eurent de répondre à mes questions maladroites, une certaine animosité à mon égard, du type : « de quoi je me mêle ! » Surtout que la société fait tout un remue-ménage pour un virus inconnu contre lequel n’existe aucune thérapeutique et que même sans vaccin on arrivera bien à s’en débarrasser. Alors, un de plus ou de moins, nos défenses naturelles sauront bien les vaincre, tous autant qu’ils sont.
     Et vous avez bien raison, les filles ! D’ailleurs je partageais la même conception que vous il y a encore peu. D’autant que j’émergeais d'une période où les vaccins se cantonnaient à quelques pathologies, la grippe n'étant pas encore inscrite dans le bataillon préventif. Eh, quoi ! pensais-je, la grippe je l'ai eue, et bien eue, puisque délirant dans un coma dont on m’a dit qu'il fut sévère aux alentours de mes trente ans. Je l'avais bien vaincu, ce fichu virus. Je devais donc être immunisé. Que nenni ! Les anticorps d’un virus passé n’agissant guère sur sa mutation future. Mais après tout, j’étais seul responsable de mes souffrances éventuelles, voire de mon décès, en refusant l’aide apportée à mes défenses immunitaires, puisque cette pathologie provoque, bon an, mal an, quelque 10 000 morts en France.
     Certes, en ce qui me concernait, il m’était loisible de l’admettre et ne pas me vacciner, mais qu'en était-il de ceux que je côtoyais ? En rien ils n’étaient responsables de mes éventuelles errances tactiles, projections salivaires, éternuements et autres possibles contacts contaminants. Et c’est en cela que la responsabilité incombe à chacun, soit de rester cloîtré si l’on refuse toute prévention, soit d’éviter par le vaccin, si tant faire se peut, toute contagion possible lorsqu’on approche quotidiennement des êtres fragiles en période épidémique. Il ne s'agit nullement d’aller contre le libre choix de chacune et chacun d'entre nous, mais convenir de la responsabilité que l'on prend et d'en accepter toutes les conséquences qui peuvent s'avérer dramatiques, tant pour soi que pour les autres. Pour soi en devenant l’accusé, tout d’abord de sa propre conscience, ensuite face à la victime, c’est-à-dire l’autre ou ses proches.
     Enfin, et pour conclure, la possibilité, quand bien même serait-elle faible, de transmettre le coronavirus étant déjà largement suffisante, celle d'en ajouter un second, alors qu'il est possible de l’éviter, participe de l’inconscience.
     Celle de la jeunesse et de sa certitude de vaincre. Seulement voilà, jeunesse rêve, vieillesse décompte, selon le proverbe.

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