Un home à fables

      
 Source gallica.bnf.fr


     Mon home est à fables, je me prends pour Ésope. 
     Pas bien loin de la maison, aussi brailleur que celui de Dyonisos, brait un âne, alors que deux coqs se répondent et que d'un voisin le paon, échappé un jour pour venir faire dans mon jardin la roue, braille à tue-tête son léon, léon, les écureuils font les acrobates, les lapins gambadent, une cigogne se pose dans le marais, un renard passe le soir et mon chien, qui a une tête léonine, contemple cette ménagerie. 
     Je me prends pour Ésope, dommage qu'il fût si laid, bègue et esclave, encore qu'il ne s'agit là que de conjectures, la vie du Phrygien, dont on pense qu'il l'était parce que son nom, Αἴσωπος (Ésopos), qui n'est pas grec, se rapproche du nom d'un fleuve de Phrygie, Αἴσηπος (Ésépos), n’étant connue qu’au travers de légendes successives. 
     Restent les fables qu'il fallut bien écrire, tout au moins transcrire car il s'agissait de brefs récits glanés ça et là qu'aimait répéter le futé bossu, tant et si bien qu'il acquit une telle popularité que Socrate, dans sa prison, se les récitait cent cinquante après la mort, approximative, du fabuliste, que Jean de La Fontaine s'en inspira et que, deux mille cinq cents ans plus tard, un obscur admirateur se complaît à les lire. 
     Celle-ci, par exemple, « Le lion et l'âne chassant de compagnie », où l'on voit un âne braire au milieu de chèvres pour les faire détaler d'une caverne afin que le lion les mangeât. Sortant de l'antre, le baudet, auprès du compère se vantant de son succès, s'entendit répondre qu’en effet aurait eu peur le lion lui-même s’il n'avait su…qu'il s'agissait d'un âne. 
     Ou bien celle-là encore, « L’âne et le lion », où l'on entend un coq chanter si fort qu'il effraya le lion (car en ces temps lointains le roi des animaux craignait les coqs) détalant sans manger l'âne, que ce dernier, croyant être l’objet de la peur du fauve, se lança à sa poursuite… et se fit dévorer. 
     Comme quoi depuis toujours, les rodomonts à la Trump, qui ne doit pas connaître Ésope, sont ridicules.

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