Faut-il avoir des couilles pour affronter le RN ?

 
Francis Barret, The Incubus (1801). Gravure extraite du livre « The Magus ». London, 1801.


   Faut-il avoir des couilles à poser sur la table pour pouvoir dialoguer avec un représentant du RN ? 
   Déjà, dans ses « Morales provisoires » Raphaël Enthoven analyse le sujet et en déduit, avec l'aide de Platon et Corneille, à propos de la réflexion de Nathalie Kosciusko-Morizet selon quoi elle était « […]en mode greffage de couilles » lors des primaires de la droite en 2016 afin de lutter à armes égales avec ses concurrents, qu’elle se faisait une idée fausse des couilles, la métaphore n'étant pas celle du courage mais de l’arrogance, c’est-à-dire de la faiblesse (1). Peut-être, lorsqu'un homme l'utilise. Mais quand il s'agit d’une femme, en est-il bien de même ? 
   Hier soir, après la débâcle électorale en terme de participation aux élections municipales, lors d'un débat avec Sébastien Chenu, député du parti d'extrême droite Rassemblement National, qui ne la laissait guère s'exprimer sur le plateau de CNews, la secrétaire d’état Brune Poirson reprit l'image se demandant s'il n'eût pas fallu qu'elle vînt « […]avec une paire de couilles et la poser sur la table. » 
   L’autre, ballot comme une andouille à qui l'on dit qu'elle en est une, s'en offusqua : « Ne soyez pas déplacée madame, je viens d’arriver sur le plateau, vous avez eu une demi-heure. Mais ne dites pas de bêtises. » 
   Ici l’arrogance était le propre du mâle, sûr de son fait, de sa force, face à une femme qu'il considérait faible, de plus représentante du parti ayant pris une déculottée. Que pouvait-elle arguer pour se défendre, sinon prendre aussi l’apparence, non pas du courage, mais de la seule virilité masculine en exposant des attributs fictifs dont l’autre implicitement se targuait ? Et discuter d’égal à égal, sans se laisser interrompre par les éjaculations verbales saccadées de l’incube l’étouffant par des arguments d’ailleurs manquant diablement de consistance. 
   Tout comme, à mon sens, NKM qui sans doute suggérait qu'elle n'avait peur de rien en plus de son regret de n'être pas homme, son alter-ego opposait la faiblesse à la force, elle proposait tout autre chose que le courage, tout simplement se questionnait-elle pour savoir si, dans ce monde dominé par les mâles, et en particulier par ceux dont l'attitude se rapproche du mufle, il faut nécessairement être un homme, à tout le moins le paraître, pour dialoguer avec un autre représentant de l’espèce. 
   Il ne s'agissait en rien de cœur comme dans la démonstration d’Enthoven appelant Corneille à la rescousse, citant Don Diègue (« Rodrigue, as-tu cœur ? », sous-entendu du courage, et non « Rodrigue, as-tu des couilles ? ») pour affirmer que « Prendre le bas-ventre pour le siège du courage, c'est se tromper d’endroit » (2). 
   Brune Poirson ne s'y est pas trompée, face à l'arrogance il fallait qu'elle en fît preuve également. N’y voir que vulgarité serait sottise d’eunuques.

1 – Raphaël Enthoven - Morales provisoires - « Les couilles sont-elles le siège du pouvoir ? » 
2 - Ibid.

Commentaires