De l'attrait du pouvoir

 
Capture d'écran site lefigaro.fr

   De l'attrait du pouvoir nul ne s'en peut immuniser. À l'instar d'un virus. Entendons-nous bien, la politique est nécessaire à la gestion d’une nation et ceux qui s’en chargent, quand bien même ne seraient-ils pas insensibles à cet attrait, et quoi qu’on dise, œuvrent toujours pour la collectivité. C’est leur plus grand mérite, sans pour autant être exempts de défauts que l’on peut critiquer.

   Dans le grand Robert, un cheval de retour signifie récidiviste. Outre cet aspect pénal, il est précisé dans le dictionnaire des expressions et locutions d’Alain Rey que la formule peut s’appliquer, en politique, à un « vieux routier » revenant sans cesse bien que discrédité. Également par plaisanterie se dit d'une vieille coquette.

   Roselyne Bachelot, de retour, malgré ses récentes dénégations, sous les lambris dorés d'un ministère, en l'occurrence celui de la Culture. Comme on sait, puisqu’elle répéta à qui voulait l’entendre qu'on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, qu’elle devait s'occuper de la féminisation de son parti plutôt que faire à nouveau de la politique, elle aura à cœur de corriger, par un véritable travail culturel, cette faute de mauvais goût touchant la vielle coquette et imposer le remplacement du cheval par la jument.

   Dans ce remaniement ministériel de semi-quinquennat, apparaît un homme qui, lui, n'est pas de retour puisqu’il ne quitte pas l'écurie dans laquelle il brille depuis des lustres, celle de la justice. Dupond-Moretti, d'avocat devient garde des Sceaux après avoir brûlé les planches en jouant le plaideur Salle Pleyel et tout dernièrement baver dans un micro, à la Bachelot, à la barre médiatique. D’interpréter toujours le même rôle l’acteur va finir par bégayer, ce qui peut apporter une touche d'humour dans un spectacle morose, ou devenir lassant à l'oublier.

   À part ça, ce n'est qu'un jeu de chaises musicales sans grand intérêt, un Premier ministre un peu moins grand remplaçant le précédent. Une question me taraude, bien que j’aie la réponse depuis longtemps : est-il judicieux de nommer ministre un individu spécialiste du domaine qu’il doit superviser ? L’avenir apportera sa propre réponse, mais le passé semble militer pour la négative. Un technicien n'est pas forcément manageur, gestionnaire ou fin manipulateur. À chacun sa spécialité et les politiques formés par leur parti ou leur école ont le privilège de savoir s'y prendre mieux qu'un amateur, quand bien même ce dernier serait-il un sphinx dans son domaine. On ne gouverne pas comme un vendeur de bagnoles ou un camelot de foire expo, bien que les gouvernants s’y entendent dans le baratin.

   Mais je voudrais revenir sur le limogeage de Castaner, victime du harcèlement policier, remplacé par un clone sarkozien, Darmanin, comme son mentor accaparant l’Intérieur. Car enfin, pour avoir dit le 8 juin dernier, très humainement et justement, que le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, ne seraient pas tolérés parmi les forces de l’ordre, que chaque faute serait sanctionnée et qu’enfin l’utilisation de la clé d’étranglement ne devait plus être utilisée, comme un seul homme les flics se sont insurgés, balançant à leurs pieds menottes et matraques, réclamant la démission de leur ministre. Comportement inadmissible d’individus chargés de faire respecter l'ordre.

   Mais quoi ? Pour eux le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et la prise létale sont-ils donc des éléments privilégiés pour exercer leur profession ?

   Tous ceux donc affichant leur mépris ont ainsi démontré, malgré leurs paroles unanimes et lénifiantes sur le sujet, qu'ils sont racistes, xénophobes, antisémites, prêts à tuer en dehors de la légitime défense. Car, rejeter ces arguments de simple bon sens c’est prouver la volonté d’en user. Quant à refuser les sanctions, c’est se croire au-dessus des lois.

   Si ces gardiens de la paix veulent un jour retrouver l’estime qui leur est due bien souvent, qu’ils fassent montre d’un peu plus de hauteur de vue. Car, comme Démocrite le dit, « obéir à la loi, au magistrat et au plus sage que soi est le fait d’une conscience bien ordonnée¹ ». Ou mieux encore, « c’est dans les actes et dans la conduite qu’il faut rechercher la vertu, et non en paroles² ». 

1. Démocrite, Fragments, XLVII, Les Présocratiques, La Pléiade
 
2. ibid. LV

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