C'était hier.

   Hier mardi, il y eut vingt-deux ans, jour pour jour, que s’effectua sa nomination d’officier. Cérémonie à laquelle nous assistâmes du côté de Bourges.

   La neige, fardant de son lait démaquillant la campagne berrichonne, masquait les rides de la vieille Base aérienne. Avord où ses camarades et lui avaient passé de longs mois.

   « À genou les hommes… Debout les officiers… » À l’injonction ils mirent un genou à terre pour recevoir enfin leur poignard d’officier. Puis ils se levèrent comme un seul homme s’apprêtant à partir vers d’autres bases pour se spécialiser sur d’autres appareils.

   À mesure que l’après-midi glissait vers le soir, la tempête s’annonçait.

   Elle déferla sur le Berry, le privant lui et ses camarades de promotion du dîner de fête prévu dans une auberge inaccessible, âtre flambant perdu au bout d’une route verglacée.

   Son frère aîné venu de Paris passa la nuit dans la voiture, bloqué sur les routes enneigées. Quant à nous, nous partîmes avant que le soir frissonnant devînt immaculé.

   Une photo aperçue tantôt me rappela ces instants si courts. Il souriait, Guillaume, sur la photo. C’était hier. Je ne pleurais pas encore.

   Je ne sais si aujourd’hui la cérémonie, le « macaronage » comme l’appellent les élèves du transport, a toujours lieu ici ou à Salon désormais. Peu importe, c’était il y a vingt-deux ans. Les rites changent, mais l’émotion subsiste. Et si je vous ennuie, passez votre chemin, je ne vous en tiendrai aucunement rigueur. Nous restons toujours seuls face à nos douleurs. Ainsi qu'à nos espérances. Bien que parfois se lève un vent de fraîcheur. Guillaume, qui désirait devenir pilote de ligne au contraire de son frère Olivier qui l'est et qui rêvait de chasse, entend peut-être caché dans ses nuages, Victor, du haut de ses quatorze ans, celui de mes petits-fils qu’il faisait rire, le tenant alors au bout de ses bras bien avant qu'il fît son mètre quatre-vingt-cinq, dire aujourd'hui qu'il prendra la relève en préparant l'École de l'air.

Commentaires

Lionel Viallet a dit…
Il est toujours dans mes pensées ainsi que ses camarades d'infortune. C'est avec lui aux commandes que j'ai fait mon premier vol en tant que passager dans le Twin-Otter de la MFO en août 2003 pour la même mission que celle qui lui coûta la vie.
Avec toute ma sympathie.
Patrick Pike a dit…
Merci de votre témoignage Lionel.