Épigramme et couvre-feu

Simonide de Céos, illustration tirée de La Chronique de Nuremberg (1493).

   Qu’est-ce qu’une épigramme ?

   Non, ce n’est pas le poids d’un épi de blé ou de maïs, OGM ou non.

   L’épigramme, genre littéraire à part entière, fut d’abord dans l’antiquité une inscription, une épitaphe, pour se souvenir d’un héros ou d’un évènement, gravée sur un monument, un tombeau, une statue comme l’indique son étymologie, du grec έπιγραμμα (de έπιγραφω graver sur).

   En prose ou en vers, courte, directe, synthétique, elle allait, et va, droit au but. Un site scolaire la caractérise ainsi : « Une épigramme est un court poème satirique : elle critique avec humour. L’épigramme se termine généralement par une pointe, une petite phrase cinglante. »   Des imbéciles voudraient la nommer « punchline » !

   Elle n’est pas née d’hier ; au VIe siècle avant J-C selon Hérodote, sous le calame de Simonide de Céos en mémoire de la bataille des Thermophiles.

   Le genre fit florès sans doute grâce à son côté succinct. Des Grecs, elle passa chez les Latins pour parvenir jusqu’à nous, perdant au passage élégance et politesse pour ne conserver que son côté satirique.

   Anonyme ou signée, l’épigramme traversa donc tous les âges. Éloquente, élogieuse, érotique, railleuse, obscène, assassine, élégante, spirituelle, satirique, grossière, et la liste n’est pas exhaustive, nous la retrouvons à son acmé au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle sous la plume de pratiquement l’ensemble de nos poètes hexagonaux. De Clément Marot à La Fontaine, de Racine à Voltaire, de Piron à Rousseau (Jean-Baptiste, pas l’autre). Tous pratiquèrent le genre leur valant parfois bastonnade ou exil. J-B Rousseau qui en fut spécialiste mourut pratiquement dans la misère en Belgique où il s’était retiré pour ne pas subir auparavant pire châtiment à cause de ses vers. Il s’était fâché avec Voltaire le trouvant en revanche trop obscène dans leur rédaction.

   Et bien sûr sous la férocité des anonymes que les mazarinades et autres pamphlets exaltèrent, l’épigramme explosa comme les petites phrases de Twitter, ce qui me fait dire que l’inventeur du réseau social s’en serait inspiré.

   L’épigramme la plus célèbre, de mon point de vue, est celle de Voltaire contre Fréron. Ce dernier, critique nul, ennemi des philosophes, défenseur des idées monarchiques et religieuses, dut à l’épigramme de Voltaire ci-dessous, sa seule gloire terrestre :

« L’autre jour au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron.
Que pensez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva. »

   Ça vous rappelle quand même quelque chose, non ?

   Mais l’épigramme eut aussi pour ses adeptes des conséquences plus dramatiques qu’un simple exil ou la misère. Ossip Mandelstam après son épigramme pas même écrite (elle ne le sera que devant le juge) mais divulguée de mémoire sur Staline, fut arrêté, déporté, condamné aux travaux forcés où il mourut. Ainsi l’un des plus grands poètes russes fut-il à jamais bâillonné.

   N’étant pas spécialement familiarisé avec Twitter, qui d’ailleurs la rejetterait en raison de sa longueur, j’ai préféré écrire ici cette épigramme à propos du couvre-feu et des interdictions qui vont faire plus de morts bientôt que le virus lui-même.

   Je vous la laisse lire.

« Ces petits soldats de Macron,
Ministres poltrons qui ne sont
Du couvre-feu que ses clairons,
Peinent à jouir à l’unisson
En répétant cette chanson,
« Cloîtrons la vie, craignons Charon »,
Et montrent ce que nous savions :
Qu’ils n’ont rien dans leurs caleçons. »

Commentaires

Unknown a dit…
Un seul mot suffit ... BRAVO !!!
Patrick Pike a dit…
Merci pour votre commentaire. Il suffit de s'y essayer en fait.