Inondations

 

Crue de la Charente décembre 1982 - Photo Sud-Ouest

   Élection présidentielle de 1974. René Dumont, candidat écologiste, annonce théâtralement un manque mondial de l’eau en buvant à la télé un verre du précieux liquide. Elle manquera d’ici la fin du siècle, prédit ce Trissotin s’imaginant Cassandre. Plus sûrement bonimenteur à la Gaudissart.


   Huit ans plus tard et quelques inondations moyennes et successives plus loin, la crue du siècle, comme on la nomma, alors que celle de 1904 fut bien plus importante, submerge la ville de Saintes. En janvier 1982 déjà une première montée des eaux à 5,58 m avait fait craindre le pire. En décembre de cette même année la cote sera dépassée de plus d’un mètre. Les pluies hivernales ayant été continuelles une quinzaine de jours après deux épisodes d’averses intenses(1) associées à une cinétique lente due à son faible dénivelé, le fleuve déborde. La terre gorgée d’eau n’absorbe plus. L’aval du fleuve ne peut suffire à déverser ce trop-plein dans l’Océan. La Charente s’étale dans les plaines de l’Angoumois et de la Saintonge, inonde les maisons, coupe les routes, effraie les riverains les forçant à chercher refuge sur les hauteurs des villes stigmatisées, isole les hameaux, noie les bâtiments, ravage les vignes. Mais plus grave encore, les pluies diluviennes qui se sont déversées sur les antiques provinces font déborder rivières et cours d’eau les uns après les autres, noyant ainsi tout le bassin charentais. Les deux départements sont sous les eaux. C’est en cela que la crue de 1982 fut celle du siècle.

   La Charente peut également se complaire dans cet état biblique comparable au déluge où l’on voit les pompiers et autres sauveteurs imiter Noé dans des embarcations de fortune, comme en 2018 où la crue dura quatre à cinq semaines malgré une cote dépassant à peine 5 m.

   D’autres lieux furent ainsi dévastés, avant ou après, par le même phénomène, aux quatre coins du monde, fleuves, rivières et cours d’eau ne connaissant pas la mesure, comme la Garonne à Toulouse ou à Bordeaux, la Seine à Paris, le Rhône, la Loire, le Lot, l’Adour, l'Isle, la Dordogne, les cours d’eau côtiers du Nord ou ceux du Midi, d’autres encore pour ce qui est de la France, mais avec plus de violence, comme en octobre dans la Vallée de La Roya, fleuve plus assassin que la Charente, dont François 1er disait qu’elle était la plus douce rivière de son royaume, Charente qui a ceci de particulier que ses crues sont lentes tant à monter qu’à redescendre et ne provoquent aucune mort. Généreuse, elle laisse à ses victimes le temps d’échapper à l’emprise de son tentaculaire étalement au sortir de son lit.

   Si elle est lente, en contrepartie elle sait aussi imposer sa puissance. La cote de décembre 1982 atteint 6,84 m. En 1994, légère baisse à 6,67 m. Celle de cette année atteindra son pic aux alentours de 6,30 m. C’est mieux que les sauteurs à la perche, mais moins bien que les crues précédentes, celle du début du siècle dernier, dont la marque gravée sur le pilier d’un pont de la voie ferrée longeant le fleuve annonce fièrement qu’elle détient toujours le record à 7,25 m. Constatant qu’effectivement leur gourou s’est fourvoyé dans ses prédictions avec la même autorité qu’un Malthus, ces écologistes émules de Dumont devenus aussi nombreux qu’un virus infectant une cellule, incriminent stupidement dorénavant l’action du changement climatique comme l'alpha et l'oméga dans la survenue de toutes les catastrophes. Quitte à se contredire, ils font succéder, selon leurs déductions du moment, une raison à une autre, dénonçant toutefois comme un leitmotiv depuis les prophéties du prêtre anglican la responsabilité humaine.

   Mais le scénario se répète, ici comme ailleurs, depuis des millénaires, avec ou sans présence humaine, même si parfois cette dernière est à l'origine d'erreur due à sa sottise. Pour preuves de cette réitération, entre autres, de l’épopée de Gilgamesh à la Genèse biblique et diverses autres religions où il est évoqué, le déluge créé par des esprits à l’imagination débordante que des inondations catastrophiques auront choqués, ou, plus prégnante car visible et utilisée encore aujourd’hui, la chaussée(2) longue de près d’un kilomètre construite intelligemment par les Romains, réaménagée et remaniée depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours, aux alentours de Saintes près de Taillebourg, qui permet toujours de traverser la plaine inondée qui jouxte le fleuve, alors que nos ingénieurs si prétentieux, à la Dumont, n’ont su qu’empierrer, puis goudronner, au pied de cette chaussée, un chemin régulièrement impraticable à cause de l’eau des marais, même quand le fleuve, exceptionnellement, ne déborde pas.

   Sans doute en croyant en d’improbables sécheresses sous nos contrées.

Quelques photos extraites du livre de Christian Genet 


   1 - https://journals.openedition.org/physio-geo/8942
   2 - https://www.portdenvaux.fr/la-chaussee-romaine/

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