Un déjeuner chez Korian

 

   Le hasard a voulu que, le lendemain de la diffusion d’une pseudo-émission dite d’investigation dont j’entendis parler, enquête où le cas particulier devient allègrement une généralité, le hasard donc m’amenât à déjeuner dans une maison du groupe Korian où j’ai l’habitude de me rendre.

   Tout comme la ravie de la crèche qui préside aux destinées de la susdite émission et ne s'émerveille que d'elle-même, j’ai grande envie de faire de mon repas particulier une généralité afin de contredire les propos des prétendues journalistes officiant, au mépris d’une déontologie minimale, masquées lors de leurs enquêtes. Ce genre d’émission ne sert à rien, sinon à colporter auprès d’un public ignare et avide des informations biaisées. Il serait nécessaire que la contradiction fût portée, alors pourrait-on se faire une juste opinion en regardant un véritable reportage du service public.

   S’il est évident que dans tout groupe humain l’unanimité du bien faire ne peut exister, le mal faire n'est pas non plus partagé à l'universel. Ce n’est donc pas parce que l’une des entités d’un groupe contrevient qu’il en faut accuser aussitôt l’ensemble et porter le discrédit sur, non seulement la direction dont on prétend qu’elle incite à ces violations de gestion, mais également sur toutes les filiales et leur personnel.

   Le repas que je pris était identique à celui servi aux résidants (résidant, celui qui réside, différent de résident, diplomate qui vit dans un pays étranger. Mais avec la platitude et simplification linguistique actuelle…) tant en qualité qu’en quantité. Jugez plutôt en savourant le menu photographié qui, à l’évidence, coûte à l’établissement un peu plus de 4,35 € par personne pour les trois repas journaliers(non compris donc le goûter) comme affirmé dans la retransmission télévisuelle dramatique. Je regrette de n’avoir pas photographié les plats dont la présentation était digne d’un restaurant peut-être pas étoilé mais approchant. Éric, le chef distingué par le Gault et Millau, est à vivement remercier. Comme rien n’est parfait en ce bas monde je signalerai que le café en fin de repas eut pu être meilleur que le jus noirâtre et amer servi. Petit bémol que je me plais à préciser. Au cours du repas l’infirmière vint apporter à l’ami avec qui je déjeunais ses pilules ; et ce n’était pas une aide-soignante, sachant reconnaître les fonctions.

   Quant au reste, comme je l’ai écrit plus haut, rien n’étant parfait, il arrive parfois que le mécontentement prédomine. Dès lors l’ex épouse de mon ami et moi-même moins souvent, connaissons le chemin du bureau de la direction ou de l’infirmerie pour ne pas manquer d’aller porter les récriminations nécessaires afin de régler les différends. D’ailleurs si les familles des résidants venaient les voir un peu plus régulièrement (quelques personnes n’ont jamais de visite) et prenaient plus souvent la parole pour se plaindre de ce qui ne va pas, rien de ce qui est dénoncé dans le reportage à charge n’existerait. En tout état de cause serait minimisé et résolu. Quand bien même lors de la pandémie et du confinement imposé nous pûmes constater quelques défaillances comme, long à être résolu, un éclairage déficient dans la chambre de mon ami.

   Pour ce dernier, hémiplégique, qui réside ici, à Royan, résidence les Issambres du groupe Korian, depuis onze ans maintenant, inutile d'envisager le faire quitter cette maison qui est devenue la sienne. Il y est bien. Celles qui s’occupent de lui le font avec professionnalisme et dévouement. Si quelquefois un manque quelconque de couches ou autres nécessaires survient, force m’est de dire que je ne l’ai jamais constaté et qu’à tout le moins fut réglé sur-le-champ par l’administration de l’établissement.

   Le turn-over du personnel est, comme dans toute société à but lucratif, ou non, évident mais apparemment relativement maîtrisé. La difficulté demeurant le recrutement. Comment procéder lorsque nulle personne compétente ne se présente ? Je me rappelle, toujours lors du confinement, être venu et attendre longtemps que l’on descendît de sa chambre mon ami dans son fauteuil afin que je puisse l’emmener faire une balade. À mon étonnement deux jeunes femmes, très jeunes, que je ne connaissais pas vinrent me le présenter alors qu’elles n’avaient pu lui enfiler entièrement sa chemise, son bras nu posé sur l’accoudoir. Croyez-moi, il ne resta pas longtemps ainsi, une employée chevronnée vint illico rétablir une situation qui demeura anecdotique.

   Et nous pûmes aller boire une bière, non pas au café habituel, confinement oblige, mais face aux bateaux amarrés dans le port. Un air marin revigora nos esprits. Ce qu’également nous fîmes hier, dans l’après-midi, enfin au bar où la serveuse accorte nous servit une pression bien plus savoureuse qu’une bière en bouteille.


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