Depardieu joue Falstaff

 

Falstaff faisant sa cour à Mrs Ford (ou Mrs Gué selon la traduction de F-V Hugo*). John Masey Wright (1777–1866) - Folger Shakespeare Library

   BOF ! J’ai regardé une partie du prétendu reportage sur Depardieu et Moix en Corée du Nord. Franchement, il n’y a pas quoi fouetter un chat, pour employer cette locution qui date du XVIIe siècle. Hormis que ces deux-là, en assistant à l’anniversaire du dictateur de Pyongyang, ont l’air d’apprécier sa joviale autorité. Entre pachydermes, vous me direz qu’il n’est pas nécessaire de traduire leurs barrissements. Car Depardieu, éructant dans un fauteuil roulant poussé par un coolie local pendant que l’autre insignifiant rigole en le filmant, à plus l’air d’un pathétique tyran devenu pétomane que d’un obsédé sexuel qui le serait plus que tous les mâles qui déclament et proutent avec autant d’élégance et de banalité les mêmes blagues éculées sur le genre féminin autour d’un petit blanc sur le zinc du comptoir du coin, dégustent un Expresso près de la machine à café des bureaux, lors d’une pause sur les chantiers d’érection de building, se délassent dans les internats de carabins ou rotent dans les repas d’un congrès de VRP. Et si le pachyderme a un peu plus de talent que les précédents, il est tout aussi vulgaire, grivois, libidineux, obscène et sans conséquence autre que la stupidité et la démonstration d’une absence d’éducation. Quant à vouloir démontrer que, ipso facto, cela fait de lui un violeur, la meute des aboyeurs emprunte un raccourci hasardeux. Corrélation ne vaut pas causalité. Laissons la justice trancher, si elle doit le faire un jour.

   Pour leur part, les anonymes des réseaux sociaux, journalistes, politiques et pudibonds de tout bord qui poussent des cris d’orfraie, rougissent ou hurlent au scandale, combien sont-ils de cette meute évoquée plus haut à ne pas avoir un jour déblatérer une vanne graveleuse, salace ?

   Aujourd’hui il faudrait vivre dans une bulle aseptisée. Ne plus rien dire. Vivre comme Isidore, le rosier de Mme Husson, choisi par défaut parce qu’aucune des femmes de Gisors n’était assez chaste : « Les mots hardis, les gauloiseries, les allusions graveleuses le faisaient rougir si vite que le Dr Barbesol l'avait surnommé le thermomètre de la pudeur. Maupassant, Contes et nouvelles, Le Rosier de Mme Husson, p. 22 ». La suite de l’histoire montra que le pudibond s'encanailla pour son malheur.

   Pour employer une expression postérieure à la précédente, je pense qu’il y a, en ces jours d’avenir sombre, d’autres chats à fouetter que de s’étourdir de ces billevesées libidineuses d’un Falstaff en goguette accompagné d’un Bardolphe falot et faux cul.

   Depardieu est un grand acteur, certes, mais qui a conservé les habitudes des loubards de sa jeunesse castelroussine, sans avoir su égriser le diamant des manières. Il y avait les mêmes dans le bas de la rue de mon enfance. Comme bien d’autres croisés plus tard un peu partout, entendus ou lus. Pierre Perret, par exemple qui conseille de « tourner sept fois sa langue dans la bouche de sa voisine. » Vous croyez que c’est mieux ? Et pourtant il y a des écoles et collèges qui portent son nom.

   Clap de fin. 

*François-Victor Hugo, fils de Victor, n’a traduit le nom que d’un seul des personnages, Ford en Gué, afin de rendre compréhensibles les calembours de l’acte III, scène V des Joyeuses commères de Windsor (gué, fontaine).


 

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