Aya Nakamura aux JO

   Les fascistes de tout poil, réactionnaires en diable, sont reconnaissables à l’inculture sidérale dont ils font preuve.

   Depuis qu’il est pratiquement certain que la chanteuse Aya Nakamura entonnera du Édith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux à Paris, cet été 2024, les Zemour, Maréchal (les voilà), Le Pen et autre Bardella (dont on se dit que, brillant tel qu’il apparaît, un minimum d’éducation lui aurait permis d’éviter d’être ridicule dans la critique et le rejet de ses coreligionnaires, fils ou filles d’immigrés comme lui et comme une bonne partie du peuple de France qui, depuis la nuit des temps, sont venus enrichir le terreau sur lequel croît l’acculturation qui caractérise notre pays et dont l’Europe, tôt ou tard, bénéficiera à son tour), tous ces illuminés de l’exclusion et de l’expulsion, donc, récitent leur credo selon lequel la chanteuse ne chante pas en Français. Ce qui pour eux est la tare rédhibitoire à toute prestation scénique.

   Éternel combat des anciens et des modernes. Malheureusement pour les prétendus 80 % de la peuplade réprouvant ce choix, les modernes, dans l’air vivifiant des cimes, ont toujours vaincu les décatis des mites, débris se parfumant à la naphtaline. Qu’ils le veuillent ou non, Aya Nakamura chante en Français, sa langue assaisonnée d’expressions de banlieue, de jeunes nourris aux métaphores puissantes ou aux locutions venues d’ailleurs qui, selon leur destinée, entreront ou non dans les futurs dictionnaires. Car une langue ne se forme qu’ainsi et certainement pas sous le diktat de passéistes neurasthéniques qui ne comprendront jamais rien à l’évolution ou de funambulesques fantoches mettant des « e » partout pour féminiser ce qui l’est déjà (i.e. chercheure pour chercheuse). Voire encore refrain aux allusions littéraires, comme nous le verrons plus bas.

   Je ne vais pas vous la rejouer Moyen Âge ou plus encore Serment de Strasbourg. Un seul exemple suffira et qui ne concerne pas du tout la chanteuse, mais la généralité démonstrative. Chacun utilise le terme pyjama, quand bien même ne s'en vêtant pas, préférant la nudité nocturne, propice aux ébats, aux accoutrements diurnes synonyme de sévérité, mais ignore peut-être son étymologie. L’acception est absente du Littré, et pour cause, mais présente dans Le Robert. Elle date du XIXe s. Exactement de 1837, venant de pyjaamah, de l’hindoustani pâê-jama, désignant un vêtement (jama), plus spécifiquement un pantalon (de pâê, jambe) ample et bouffant à la turque, que nous avons empruntée à l’anglais qui en avait fait pyjama dès 1800. Ainsi une multitude de nos mots que nous prononçons chaque jour et que les fils de Charlemagne ignoraient, tout autant que Marie de France en son époque. Mots neufs venus d’ailleurs dont nous faisons notre miel aujourd’hui parce qu’ils sont représentatifs, imagés ou correspondants à la mondialisation des cultures, mots devenus dès lors coutumiers alors que combattus en leur apparition par tous les ringards réactionnaires.

   Encore un mot. Je ne connaissais pas Aya Nakamura. Non seulement elle chante de très belle manière mais ses textes sont savoureux. Dans la chanson Bobo, par exemple, elle utilise l’expression « appelle-moi Cataleya » (voir les paroles sur le Net) :
[Appelle-moi "Cataleya", mia mmh (mmh, mmh)
T'aimes tout chez moi, je le sais bien, je le sais, mmh (mmh, mmh)
Appelle moi "Cataleya", mais y a mmh (mmh, mmh)
Pour qui tu te prends, j'vois en toi, tout débouler (mmh, mmh)]

Qui sait que Cataleya est un prénom issu de l’espagnol Cattleya, orchidée au destin littéraire, proustien dirais-je. Dans « La Recherche » et plus précisément dans « Du côté de chez Swann », le narrateur, Charles, amoureux d’Odette, après avoir évité un accident en voiture lui arrange, en la caressant, les orchidées (des cattleyas) piquées dans son corsage mais chamboulées par l'incident et devient ainsi son amant. Par la suite ils ne diront jamais « faire l’amour », mais comme un rituel, « faire cattleya ». D’où peut-être, et pourquoi pas, j’en déduis l’allusion littéraire énigmatique pour beaucoup et que la chanteuse magnifie à son profit.

   Il faut être un sacré imbécile, en conclusion, pour affirmer qu’Aya Nakamura ne peut pas chanter pour représenter la France aux JO.

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