Le Palais Bourbon en proie à l'hubris

Prométhée enchaîné - Un aigle dévore son foie, Vase à figures noires, vers 560 - 550 avant J.-C.

   Lorsque j’entends Elisabeth Borne, aussi décontractée qu’une résidante de maison de repos shootée au Tranxène, débiter sur son ton morne habituel une guirlande d’âneries, je me demande si l’on peut encore faire confiance à tous ces fonctionnaires haut perchés, issus de polytechnique et autre ENA. Comment cette femme, députée, ancienne ministre et première ministre, ex-préfète de la Vienne, ex-dirigeante de la RATP, peut-elle affirmer autant d’inepties ? Non, Madame, la carte vitale, au 1er janvier prochain ne sera pas obsolète, non plus que des fonctionnaires ne crieront famine pour un travail sans solde ou que les retraités pleureront leurs pensions dont vous dites qu’elles ne seront pas versées, pas plus que tout le charabia que vous avez débité, litanie de la peur diffusée avec gourmandise, rien de tout cela ne surviendra si les oppositions à Michel Barnier, confondues dans un melting-pot indécent, venaient à voter la censure comme semble-t-il l’éventualité se précise.

   Ce n’est pas digne de vous. Non, la France ne court pas à sa perte pour un moment difficile à passer. Elle en a connu d’autres. De Charles VII qui emprisonna Jacques Cœur, son ami, grand argentier trop riche devenu son créancier, à Louis XIV qui exila le surintendant Fouquet qu’il jugeait trop arrogant, les grands de ce monde surent toujours trouver et s’approprier les finances nécessaires lorsqu’elles venaient à manquer. Si la France est lourdement endettée, les Français aujourd’hui, au contraire, sont riches d’un patrimoine estimé par l’Insee à 15 000 milliards d’euros, dont 6 000 milliards d’euros, soit trois fois la dette, uniquement en placements monétaires. De quoi rassurer les banquiers les plus pingres. Demain la vie comme avant continuera, quand bien même Barnier tomberait-il.

   Cela étant, ce qui est certain en revanche, c’est que si le gouvernement chute par l’envie d’un Mélenchon et d’une Le Pen, tous deux réunis dans la course effrénée, mais dérisoire et vaine, qu’ils se livrent pour de futures élections présidentielles anticipées ou non, avec l’espoir pour les uns d’une mise à sac du pays et pour les autres d’une mise en vrac des institutions, d’autres désagréments bien plus réels que ceux évoqués par E. Borne s’abattront sur le peuple.

   Nous saurons assez rapidement ce qu’il nous en coûtera, si d’aventure le chaos survient grâce à nos députés, pour en reparler le moment venu. À moins qu’un nouveau Premier ministre ne soit nommé dans la foulée de la disparition du précédent avec la présentation d’un budget faisant consensus. Parce qu’après tout, les deux factieux cités plus haut, réclamant la démission du chef de l’État pour satisfaire leur ambition démesurée, sont loin de présenter, unis pour l’occasion comme larrons en foire, la majorité nécessaire à la chute du gouvernement Barnier. Deux cent quatorze députés en tout (71 LFI, 143 RN + Div D). Loin du compte ! Évidemment si l’on ajoute tous les béni-oui-oui que sont devenus Hollande, Faure et les socialistes, les écologistes et les communistes, la majorité est obtenue. Très franchement, je prenais ces derniers pour des démocrates soucieux du respect de leurs électeurs. Ce ne sont en définitive que de pâles figurants incapables de décider par eux-mêmes, jusqu’au boutistes prêts à créer dans le pays une atmosphère délétère satisfaisant leur ego au prétexte que le budget est mauvais. Il a toutefois le mérite d’avoir été préparé à la différence des gesticulations stériles dont font preuve ses opposants. Et puis un budget, ça peut toujours se modifier en cours de chemin. Selon les circonstances.

   Car pour l’heure je constate que les différents troupeaux de députés réunis au Palais Bourbon, ont tous la même philosophie, faire en sorte que leur comportement, leur vision de l’avenir soit dictée par une hubris faisant fi de la mission pour laquelle ils furent élus. La futilité de leur gloriole au détriment de la gestion de la France. Ces gens-là sont lamentables et peu dignes d’estime.

   L’hubris – ou hybris de la déesse du même nom, Hybris déesse de l’arrogance, de l’orgueil – dénote un comportement de démesure que les dieux considéraient comme un crime à venger. La liste est longue de ceux qui en pâtirent, de Tantale à Sisyphe ou Prométhée. Il serait bon que nos députés se souvinssent que de nos jours les seuls dieux qui les puniront sont leurs électeurs. Ils s’éviteraient le ridicule, à l’instar des porcs, compagnons d’Ulysse, pataugeant dans la soue d’Aiaié. Le Palais Bourbon est devenu le royaume de Circé.

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