Loi droit à mourir

 

Mort de CLéopâtre - 1874 - Jean-André Rixens - Musée des Augustins - Toulouse

   La mort n'est rien.

   Dès que, de ce néant sans souvenir nous émergeons plusieurs mois après l’assemblage de nos premières cellules, nous courons vers ce néant sans futur qui nous absorbe en une fraction de seconde. La mort n’est rien.

   Délivrance, parfois, elle est fatalité souvent. Mais toujours souffrance pour celles et ceux qui subsistent après le départ de l’être qui disparaît à leurs regards ; respirant encore l’instant d’avant ce sommeil sans fin, la dépouille tout à coup n’est plus rien. La vie, qui fut si longue à venir, est anéantie pas même en l’espace d’un souffle.

   Si j’écris ces mots en préambule, c’est parce qu’hier fut voté un ersatz de loi — loi qui peut-être ne sera jamais promulguée tant ceux acharnés à la contester, pour de fallacieuses raisons bien souvent, vont tout faire pour la retarder, la jeter aux oubliettes — ersatz de loi donc qui satisfait quelques-uns, mais mécontente beaucoup.

   Tout d’abord parce que d’un projet unique, ce texte de loi fut scindé en deux parties. L’aide à mourir puis les soins palliatifs.

   Car derrière le souhait du Premier ministre il y avait certainement l’idée déjà de n’autoriser cette aide à mourir qu’à une maigre portion de la population. Ceux qui en expriment clairement la volonté et dont la pathologie ne laisse aucun espoir de guérison. Ceux, également, aptes à s’auto-administrer la substance létale. Par conséquent, autant se suicider comme avant sans importuner quiconque et poser aux médecins et soignants d’immenses questions métaphysiques. Montherlant, sentant la vieillesse le diminuer et pour n’être pas une charge, de son pistolet d’ordonnance, se tira une balle dans la tête. D’autres se pendent ou prennent des cachets. Il n’y avait nul besoin d’une loi en définitive, car qui peut exprimer sa volonté et avaler la substance mortelle fournie par la faculté peut aussi en finir, soit avec la complicité des siens, d’un médecin, ou seul. C’est facile. Il n’est qu’à croquer les amandes de quelques fruits à noyaux en quantité adéquate pour s’éviter l’achat de Valium et ingurgiter une sorte de sucre cyanogène. Radical, en évitant la douleur de la corde ou les résidus sanguinolents ! Cette loi était inutile, sauf à conforter quiconque veut se suicider, à tout le moins insuffisante dans ce qu’elle permet, ou satisfaire ce besoin qu’ont les peuples à s’entourer de parapet protecteur pour leur éviter de penser.

   Car tous les autres, accidentés comateux, personnes atteintes de démence, de sénilité ou autre pathologie obviant à leur parole ou simplement lente à dégrader les corps, mais qui eussent peut-être souhaité ne pas encombrer de leur déchéance le sol de cette terre, ne peuvent espérer, eux et leurs familles, que les soins coûteux d’un acharnement à les laisser vivre — si ce mot se justifie encore — leur misère et faire subir à tous le spectacle dégradant de leur déliquescence. Cette loi sur les soins palliatifs, pompeusement, hypocritement appelés « soins d’accompagnement », euphémisme s’il en est laissant présager qu’à terme ces êtres humains disparaîtront, comme tout un chacun d’ailleurs, tôt ou tard, mais non plus en tant que tels mais bien plus comme des légumes enrubannés dans un paquet onéreux de draps aux tuyaux, machines, pompes et autres ustensiles décorant le cageot médicalisé où ils végéteront. Ce qui, de mon point de vue, sera tout de même mieux que de les laisser mourir de faim, comme on le constate aujourd’hui dans nos maisons de retraite, hôpitaux et autres centres de soins. Mourir de faim mais gavés de Morphine pour accélérer le processus sans trop de souffrance. Hypocritement. Rien ne changera, sauf à penser que ce sera encore un peu plus long.

   Certes, nous serons désormais soit accompagnés, soit autorisés à nous suicider à condition de le préciser et de faire partie des heureux élus aux pathologies répertoriées, alors qu’il eût été préférable de ne légiférer que sur un texte majeur où l’euthanasie enfin permise, quelle que soit la raison pathologique y conduisant, eût été pratiquée avec le simple accord du patient, oral ou écrit avant que la maladie, ou l’âge ne pût empêcher ce choix.

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